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Il y a quarante ans quasiment jour pour jour que Paul McCartney a manifesté son intention de quitter les Beatles, engendrant de fait la séparation du plus grand groupe de rock de sa génération. Cette dissolution sera légalement effective en janvier 1975. La confrontation de deux personnalités aussi marquantes et, il faut utiliser ce terme, de deux génies tels que Lennon et McCartney ne pouvait qu'aboutir à un tel épilogue; cette rivalité aura eu l'effet de stimuler l'égo et la créativité des prolifiques liverpudiens. Sans la guerre froide, l'humanité n'aurait certes pas connu les atrocités des guerres idéologiques et leurs flots de sang consubstanciels mais elle n'aurait jamais non plus pu permettre à quelques-uns de nos semblables d'aller fouler le sol lunaire; la jalousie et la convoitise aboutissent parfois à un dépassement de soi.

En 1969, les temps magiques de la Cavern et des bars enfumés de Hambourg semblent oubliés par les Beatles. Le charme n'agit plus. Entre John, sous l'emprise de drogues diverses et amoureux de Yoko, Paul qui aspire de plus en plus à une carrière solo - quoiqu'il fut le seul à avoir voulu encore croire à la poursuite du groupe -, George qui continue sa quête mystique et Ringo qui est lassé par les rivalités internes et externes, l'esprit de groupe n'est plus qu'un souvenir nostalgique qu'il s'agit de conserver avant de tout gâcher. Il fut longtemps facile de voir en les femmes des musiciens - et en particulier Yoko Ono, victime d'une véritable chasse aux sorcières et d'un mépris xénophobe hideux - les responsables de la situation et de l'ambiance qui régnait dans le groupe moribond en ces dernières années des 60's. L'amour avait été la charpente de nombres de chefs-d'oeuvre des Beatles; on ne pouvait ensuite l'incriminer. Sans Yoko, John n'aurait peut-être pas écrit "Because", "I Want You" ou "The Ballad Of John & Yoko".



La production de The Long And Winding Road (Let It Be, 1970) de Paul par Phil Spector illustre bien la non-communication et l'irritabilité à fleur de peau qui envahissaient peu à peu les Beatles: Paul, mécontent des arrangements certes contestables de Spector demanda que ceux-ci soient revus; il n'en fut rien et cet épisode rendit, ajoutés à de multiples détails, la séparation inévitable. En outre, une fois de plus, c'est, en partie, l'argent qui est à l'origine des conflits qui opposèrent les Beatles. Le système des contrats faisait que les droits d'auteurs étaient répartis de façon inique. De plus, la piètre gestion d'Apple par Allen Klein (que Mick Jagger avait présenté aux Beatles pour en débarrasser les Rolling Stones en lui donnant un os plus gros que nous à ronger) ne faisait qu'envenimer les amertumes. La société Apple, censée rétablir l'injustice issue des contrats EMI en prenant le capitalisme à son propre piège, fermera ses bureaux le 4 août 1970 après qu'on eût permis à la population de prendre un article par personne dans la boutique de Saville Row. Le managing même de Kleinfut un sujet de discorde entre McCartney et Lennon; le premier était partisan de donner les rennes à John Eastman, le frère de Linda Eatsman, tandis que John, histoire de ne pas être d'accord, défendait la candidature d'Allen Klein. L'option de Lennon triomphera et aura pour résultat un gouffre financier.



Soucieux de crever l'abcés et aussi de sortir son premier album solo avant Let It Be (qui sortira le 8 mai 1970), Paul fit cette annonce sans appel le 10 avril 1970:
"Bien chers fans, le moment est venu pour moi de m'adresser à vous. Comme vous devez le savoir, le groupe s'est séparé il y a plus d'un an, et nous n'avons pas joué ensemble depuis bien longtemps (NB: la dernière session d'enregistrement des Beatles ensemble [I Want You] date du 20 août 1969). Chacun de nous a désormais attaqué une carrière solo. Pour toutes ces raisons, je désire mettre fin aux illusions que certains entretiennent encore sur les Beatles. Toutes ces années sont révolues. Dans le passé, vous nous avez été d'un soutien remarquable, et l'objet de ce pli est de vous exposer ce que je veux faire dans le futur, au cas où vous ne le sauriez pas. Désormais, je me sépare de l'identité de Beatle-Paul, et je vais être ce que je veux vraiment : vivre ma propre vie, avoir ma famille, ma vie privée, et jouer ma propre musique... Je vous remercie encore pour tout. Paul Child-Bride Linda Boy Prodigy Heather and Baby Mary."


Le 31 décembre 1970, Paul McCartney attaquait en justice l'entité Beatles. La complexité du dossier empêcha par exemple la sortie CD des albums des Beatles avant 1987. De même, le caractère incongru des contrats de droits d'auteur des Fab Four engendrèrent le rachat à ATV Music par Michael Jackson des droits des chansons des Beatles pour la modique somme de cinquante-trois millions de dollars (Sony a depuis récupéré une partie des parts de l'Américain). Ainsi il était bien utopique, au début des années 70, et a fortiori aujourd'hui, d'envisager une reformation du groupe. George Harrison n'a fait que simplifier la situation et briser les illusions en déclarant son fameux: il n'y aura pas de reformation des Beatles tant que John Lennon sera mort.